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Crédit Matthieu Rivrin -DSC01906_Carré_original

Dossier pédagogique – Symphonie du Ponant

 

Le prochain concert scolaire de l’ONB aura lieu le 25 novembre à l’Opéra de Rennes, et nous aurons le bonheur d’entendre la Symphonie du Ponant du compositeur breton Didier Squiban! Vous trouverez dans cette page des éléments pour vous préparer à ce concert. Pas à pas, la symphonie est décrite en alternant les supports (audio, guides d’écoutes avec exploration de la partition d’orchestre, vidéos des sessions d’enregistrements). Mille mercis à Geoffroy Tamisier pour sa disponibilité, à Hervé Beau pour la captation vidéo, et à Didier Squiban pour son accueil, sa générosité, et ces beaux moments passés à Porz Gwenn…

Bonne écoute, bons concerts!

Hugo Crognier

Enseignant conseiller relais / Orchestre National de Bretagne

hugo.crognier@ac-rennes.fr

 

Didier Squiban

Didier Squiban, pianiste

 

Didier Squiban est né en 1959 à Ploudalmézeau en Bretagne. Il trouvera en ce lieu une source précieuse d’inspiration : la mer. Son œuvre musicale est l’heureux alliage des musiques traditionnelles bretonnes, de l’improvisation jazz et du romantisme classique. C’est à 8 ans qu’il exécute ses premières gammes sur l’orgue de l’église paroissiale. Il y découvre la musique traditionnelle et un avant goût de la représentation scénique. La passion du piano s’installe.

En 1977, il découvre Bill Evans. Dès lors, il perfectionne son style avec la complicité d’artistes bretons, rencontre John Surman, Toots Thielemans, Éric Barret… Il crée son big band Sirius, orchestre de jazz régional (photo ci-dessous). L’œuvre est brillante mais les moyens insuffisants et l’aventure ne pourra se prolonger.

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Autre étape importante : 1993, avec la première participation à « L’héritage des Celtes » de Dan Ar Braz. Il y rencontre Yann-Fanch Kemener avec qui il enregistrera trois albums, sur les 25 qu’il a réalisés depuis le début de sa carrière. En 1996 il crée la musique « Penn ar bed » avec sa formation « An Tour Tan ». Ensuite vient sa grande période de piano solo avec sa trilogie pour piano « Molène » « Porz Gwenn » « Rozbras ». Une des œuvres les plus marquantes de Didier Squiban est la « Symphonie Bretagne », créée le 21 juin 2000 à l’occasion du 10e anniversaire de l’Orchestre de Bretagne, et orchestrée par Pierre-Yves Moign, avec qui il crée aussi la Symphonie Iroise…

“Il a été mon premier professeur de musique à Ploudalmézeau et je le considère comme le compositeur breton le plus important de la seconde moitié du XXème siècle, au même titre que Bartok ou Stravinsky à leur époque et dans leurs pays. Il est à la fois précurseur dans le domaine de la musique traditionnelle et innovateur dans son univers musical. De plus, il a apporté énormément à la culture bretonne par son travail pédagogique. On lui doit la création du centre breton d’art populaire qu’il a dirigé lui-même durant de nombreuses années.”

Didier Squiban, à propos de Pierre-Yves Moign

 

La Symphonie du Ponant

 

La symphonie du Ponant (pays du soleil couchant) se présente sous la forme d’une suite symphonique concertante avec des dialogues permanents entre l’orchestre et les différents solistes en mélangeant les couleurs et les styles musicaux avec comme fil conducteur La Bretagne. Elle se compose d’une quinzaine de thèmes musicaux (comme les îles du Ponant) et se découpe en 7 mouvements (comme les archipels de Molène, les Glénans , les 7 îles).

Quelques repères géographiques et linguistiques d’abord: les îles du Ponant représentent un ensemble d’îles du littoral de la Manche et de l’océan atlantique. Le mot “Ponant”, ancienne forme de couchant, au sens de direction où le soleil se couche, a été repris de l’ancienne désignation de la flotte de la Marine nationale basée dans les ports des côtes atlantiques, par opposition à la flotte du «Levant» basée sur les ports de la Méditerranée.

 

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La Symphonie du Ponant est la troisième symphonie du compositeur Didier Squiban. Pierre-Yves Moign étant décédé subitement début 2013, il a contacté un ami pour orchestrer la nouvelle partition.  Il s’agit du compositeur et trompettiste nantais Geoffroy Tamisier (photo ci-dessous). La Symphonie du Ponant a été créée en décembre de la même année à Pacé et Rennes avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne sous la direction de Darrell Ang (avec en solistes Alain Trévarin à l’accordéon, Sylvain Barou aux flûtes, Jérôme Kerihuel aux percussions, Bernard Le Dréau au saxophone, Geoffroy Tamisier à la trompette et Didier Squiban au piano). Cette œuvre sera rejouée au Quartz à Brest le 18 avril 2014 et au festival de Cornouaille à Quimper le 25 juillet.

 

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En 2022, une nouvelle version de cette symphonie est enregistrée et sort en CD chez Coop Breizh Music (avec en solistes Baptiste Trotignon au piano, Airelle Besson à la trompette, Didier Ithursarry à l’accordéon, Sylvain Barou aux flûtes, Jérôme Kerihuel aux percussions, Bernard Le Dréau au saxophone, et à la direction Ariane Matiakh, en photo ci-dessous). C’est cette version que nous entendrons en concert le 25 novembre à l’Opéra de Rennes.

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Ouverture Baradoz

 

La Symphonie s’ouvre sur un solo de piano, improvisé (il n’est pas écrit sur la partition). Très librement, le pianiste brode autour du premier thème de cette ouverture (dans le dernier disque, Baptiste Trotignon termine cette introduction en solo par quelques notes martelées dans l’extrême grave du piano). L’orchestre entre alors progressivement, timbales, hautbois (sauts de quartes), clarinettes, flûtes sur une batterie de piano. On perçoit les éléments naturels, le souffle du vent, l’atmosphère marine, les grands espaces… Le premier thème conducteur de cette ouverture apparaît alors au piano, rubato et doublé à l’octave, accompagné par les cordes en notes tenues.

Le livret du disque indique que les trois leitmotiv, les trois thèmes de cette Ouverture Baradoz lui ont été inspirés par la lecture de trois poèmes. Cette première mélodie lui a été évoquée à la lecture du poème Baradoz ar mor  du poète breton Pêr-Jakez Héliaz.

 

Baradoz

 

Pêr Jakez Heliaz (1914-1995) est un journalise, écrivain en langue bretonne et française, particulièrement connu pour son ouvrage Le cheval d’orgueil adapté au cinéma par Claude Chabrol.

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Un peu plus loin apparaît une nouvelle idée mélodique, construite sur des arpèges brisés au piano. D’abord présentée en Fa dièse mineur, elle est transposée à la tierce majeure au dessus en Si bémol mineur, puis encore à la tierce majeure au dessus en ré mineur, avant de revenir en Fa dièse mineur. Un chemin harmonique se dessine comme un cycle perpétuel (dans le cycle des quintes, ces trois tonalités si on les relie forment un parfait triangle équilatéral!). Voilà un parfait écrin pour un solo d’accordéon! Le thème initial de cette ouverture revient, au bugle, puis au saxophone soprano, comme une réminiscence …

 

 

 

Cette mélodie a été inspirée à Didier Squiban par un texte de Xavier Grall, Je te chante mon pays.

je te chante mon pays

 

On trouve déjà ce texte mis en musique précédemment par le compositeur aux côtés de Yann- Fanch Kemener, avec le même motif pianistique tournoyant en fa dièze mineur.  C’était en 1996, dans le disque Ile-Exil

 

 

Partie I- Ker Loeiz - Enez Trielen

 

La première partie de la Symphonie débute par une valse. Le thème est exposé d’abord au piano, puis à l’accordéon. Un dialogue en question – réponse entre bugle/flûte et saxophone soprano évoque immanquablement la technique bretonne de chant  kan ha diskan (qu’on pourrait traduire par chant et re-chant)…

 

Ce morceau a été inspiré à Didier Squiban par un poème écrit par un de ses amis, animateur d’émissions de radio en breton,  Loeiz Guillamot…

Ker Loeiz

 

La première partie  se poursuit avec Enez Trielen, on y entend les influences de la musique française du début du XXème siècle, Ravel, Debussy, mais aussi Scriabine…

Partie II- Palud , Enez Vaz - Enez Kostan

 

Palud

Le livret du disque nous indique que la première de ces deux mélodies provient de notre mémoire collective, il s’agit d’une comptine traditionnelle française que tout le monde connaît… Saurez-vous reconnaître laquelle?

Bravo à celles et ceux qui auront reconnu Savez vous planter les choux?! Car une subtilité s’est glissée, la mélodie est jouée en mineur alors qu’à l’origine la célèbre comptine se chante en majeur…

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Pour aller plus loin sur la différence entre le mode majeur et mineur, retrouvons Jean-François Zygel:

 

Enez Vaz

Enez Vaz est un hommage à l’île de Batz, une des îles du Ponant. Le thème est présenté d’abord par un duo de cors d’harmonie, nus, sans accompagnement, puis il est  repris par l’orchestre…

 

 

 

 

Enez Kostan

“Ce morceau tonique mélange jazz, musique traditionnelle bretonne et mesures asymétriques. Entre gavottes, ronds et laridés… ” Ainsi est décrite cette partie de la symphonie dans le livret du disque. Les mesures à 3 et à 4 temps se succèdent, les accents se décalent, mais tout ce passage semble pourtant très naturel, très fluide, Didier Squiban s’amuse avec les accents de la gavotte…

 

 

Partie III- Enezig - Enez Riouzig

Après Enezig, morceau nostalgique aux influences marquées par la musque française du XXè siècle -Debussy, Ravel, mais aussi Poulenc ou encore Scriabine et ses Préludes), place à la gavotte dans Enez Riouzig!

Le morceau commence par une introduction comme une invitation à la danse. Imaginons un fest noz, les musiciens sur scène invitent le public à les rejoindre… Bernard Le Dréau (grand spécialiste de la gavotte!) est au saxophone soprano. La technique du kan ha diskan (chant et rechant), est à nouveau employée. Le morceau se termine comme il a commencé, le public quitte la piste de danse…

 

A noter, on trouve une première version plus jazz de ce morceau dans l’album La plage de Didier Squiban sorti en 2006…

 

 

 

 

Partie IV - Luskellerezig

 

L’introduction de Luskellerizig est basée sur un ostinato harmonique (suite d’accords qui se répète) de 8 mesures , sur lequel Baptiste Trotignon improvise au piano. La section qui suit, en la mineur, évoque davantage la musique irlandaise (avec Sylvain Barou à l’ullean pipe).

 

Ce morceau a été inspiré à Didier Squiban par un autre poème de Pêr Jakez Heliaz, la Berceuse de Neï…

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Enfin, notons que ce mouvement Luskellerezig reprend en partie  la musique du morceau Nav (disque Ballades de Didier Squiban sorti en 2003).

Partie V- O Elez ar Baradoz - Armel

 

O Elez ar Baradoz

La partie 5 débute par Elez Ar Baradoz, un cantique breton que Didier Squiban jouait quand il était enfant à l’orgue de l’église de Ploudalmézeau.

1/ Thème présenté à la trompette par Airelle Besson, accompagnée par Baptiste Trotignon piano. (Tonalité de Ré mineur)

2/ Thème joué à l’accordéon par Didier Ithursary, sur un tapis léger des cordes (violons, alto & violoncelles)…

3/ Thème repris par l’orchestre, cette fois dans la tonalité de Sol mineur. Une chorale est sous-entendue…

4/ Enfin, le thème est joué au duduk, instrument arménien, par Sylvain Barou. (Tonalité de do mineur)

 

Armel

Ce cantique O Elez ar Baradoz,  qui signifie Les anges du paradis, est comme un prélude au morceau qui suit, Armel, que Didier Squiban a écrit suite au décès de son fils âgé de 19 ans.

Le thème Baradoz du début de la symphonie est d’abord  repris de façon plus énigmatique, comme une musique de film…

 

Le thème principal apparaît alors au piano, avec un contrechant au violoncelle. Zoom sur la partie de piano…

 

On entend ici l’influence du piano romantique du 19ème siècle, avec en particulier l’esprit du Prélude en mi mineur Opus 28 de Frédéric Chopin (et cet accompagnement caractéristique à la main gauche au piano…).

 

Si nous pressentions déjà l’influence d’Astor Piazzola dans le contrechant de violoncelle précédent, Didier Ithursarry  nous transporte décidément en Argentine dans son solo d’accordéon, tel un bandonéoniste des faubourgs de Buenos Aires!

Il est difficile, même à des fins d’analyse, de couper dans un morceau (tout particulièrement celui-ci). Je vous propose donc de l’écouter (en fermant les yeux?)  dans sa continuité. C’est l’occasion d’entendre la magnifique improvisation de Baptiste Trotignon au piano qui reste lui-même tout en gardant l’esprit de la composition…

Partie VI - Kerdider- Fugenn- An aod vev - Oilean

 

Kerdider

Sur la pochette du disque, on peut lire “Merci, Baptiste, pour cette improvisation, ce moment de partage et pour cette grande et belle aventure. J’adore le titre…” Kerdider en breton signifie Chez Didier! On le retrouve donc, chez lui, pour nous décrire cette improvisation…

 

Fugenn

Fugenn est une “petite invention en clin d’œil à notre maître à tous”, le Cantor de Leipzig, Jean-Sébastien Bach. L’invention est d’abord  jouée à deux voix, sans l’orchestre, par le concertino, le petit groupe d’instruments solistes (saxophone, accordéon, trompette, flûte, et percussions).

 

L’invention est ensuite présentée dans une variation sous forme de fugue aux cordes (violon 1, violon 2, altos et violoncelle).

 

 

An aod vev

Retour en Bretagne avec An aod vev, qui signifie l’estran. On appelle estran la partie du littoral qui est recouverte à marée haute et découverte à marée basse. Il s’agit donc de la zone de balancement des marées, zone propice à un écosystème spécifique, capable de s’adapter aux conditions maritimes et aériennes ( crabes, coquillages, étoiles de mer, algues…).

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Oilean

Oilean en gaélique, enez en breton, island en anglais, île en français. Au départ, ce morceau s’appelait Isole (île, cette fois en italien). Ce morceau est écrit en 10 temps, métrique irrégulière ; on ressent comme les ondulations des vagues…

Partie VII- 7 or 8 steps - Echu

 

Proposition de Sylvain Barou, 7 or  8 steps est un morceau très éclectique, “un exemple de mesk (mélange) entre toutes les cutures qui nous animent les uns et les autres”. Entre world music et musique celtique, entre improvisation et écriture, ouverture et écoute. Notons la présence des tablas, percussions indiennes, jouées par Jérôme Kerihuel…

 

Echu

 

Bibliographie - Webographie

 

Bibliographie

HELIAS Pêr- Jakez, D’un autre monde, L’œuvre poétique complète, Editions Ouest France, 1991

VIGNAL Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1999

 

Webographie

https://pad.philharmoniedeparis.fr/0752980-l-art-de-la-fugue-de-johann-sebastian-bach.aspx

 

Crédits photographie

©Mathieu Rivrin

© Pierre Henri Berthezene

 

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