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Dossier pédagogique- Destination Piazzolla

 

Après cette pause estivale, nous sommes très heureux de vous accueillir le vendredi 13 octobre 2023 à l’Opéra de Rennes pour le tout premier concert scolaire de cette nouvelle saison: Destination Piazzolla!

Nous aurons le plaisir d’entendre la bandonéoniste  Louise Jallu qui, aux côtés des musicien·ne·s de l’Orchestre National de Bretagne, interprétera des œuvres du grand compositeur Astor Piazzolla,  sous la baguette du jeune chef d’orchestre Nicolas Ellis.

Vous trouverez sur cette page des ressources pédagogiques pour préparer votre venue au concert: une biographie d’Astor Piazzolla, une petite histoire du tango, un focus sur le bandonéon, sur les rythmes du tango, ainsi qu’une analyse de Libertango, un des morceaux qui sera joué lors du concert scolaire.

Je tiens à remercier un de mes prédécesseurs, Yvan Loriller, dont je salue le travail mené il y a quelques années lors d’un concert Piazzolla / Vivaldi (je reprends ici sa synthèse biographique sur la vie d’Astor Piazzolla).

Excellente saison pédagogique avec l’Orchestre National de Bretagne!

Hugo Crognier

Enseignant conseiller relais

Orchestre National de Bretagne

hugo.crognier@ac-rennes.fr

Astor Piazzolla

Astor Piazzolla est un bandonéoniste et compositeur argentin, né le 11 mars 1921 à Mar de Plata et mort le 4 juillet 1992 à Buenos Aires.

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1 – JEUNESSE : CONFLITS DE STYLES

Fils d’immigrés italiens, Astor Pantaleon Piazzolla s’installe à New York avec ses parents à l’âge de quatre ans. Pour ses neuf ans, son père lui offre un bandonéon, mais le jeune Astor, davantage attiré par le jazz, aurait préféré un saxophone…

Quelques temps plus tard, il entend un voisin -ancien élève de Rachmaninov– jouer du J.S. Bach. Dès lors, il n’a qu’une idée en tête : prendre des leçons auprès de cet élève, un certain Bela Wilda… A treize ans néanmoins, il maîtrise parfaitement l’art du bandonéon, et en 1936 la famille retourne vivre à Mar de Plata. Cependant, goûtant encore peu le tango, Astor Piazzolla ne se montre guère motivé jusqu’à ce qu’il entende le violoniste Elvino Vardaro et son Sexteto tipico qui jouent le tango d’une manière différente. Dès lors cet amour du tango va s’enraciner et ne plus le quitter.

A partir de 1938 il joue alors dans plusieurs orchestres dont celui d’Annibal Troïlo, pour lequel il écrit des arrangements. Débordant de créativité, il n’est pas rare qu’Anibal Troïlo le reprenne pour qu’il se cantonne à sa place de musicien d’orchestre. Rapidement, cependant Astor se lasse de cette vie nocturne populaire. Il veut devenir un compositeur de musique classique. En 1944 il quitte Troïlo pour créer son propre orchestre.

 

2 – MATURITÉ : FUSION DES STYLES

En 1954, Astor Piazzolla gagne le concours de composition Fabien-Sevitzky avec son triptyque symphonique Buenos Aires et part, bourse en poche, étudier la composition à Paris avec Nadia Boulanger. Pendant ses études parisiennes, il s’efforce de gommer sa personnalité, désireux d’être un vrai compositeur de musique “sérieuse” comme Bartok ou Stravinsky.

C’est Nadia Boulanger qui lui révélera son talent, sa mission : ne pas renier le style de ses origines, mais l’enrichir de la science acquise.

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3 – UNE MULTITUDE DE FORMATIONS

De retour à Buenos Aires en 1957, il fonde son orchestre (cordes, piano et bandonéon) avec lequel il créé des œuvres telles que Tango del Angel, Tres minutas con la realidad ; il fonde également l’Octet Buenos Aires qui a pour projet de jouer du tango traditionnel et des créations à parts égales. C’est une formation résolument moderne qui n’hésite pas à faire entendre des chorus de bebop à la guitare électrique. L’Octet a le temps d’enregistrer trois disques avant d’être dissous : les conflits violents et répétés suscités par le modernisme de la formation auront raison de l’enthousiasme de son créateur.

Après une tentative infructueuse de mêler le tango et le jazz à New York, il crée en 1960 un nouvel orchestre, le Quinteto nuevo tango avec lequel il aura ses plus grands succès : Adios Nonino en hommage à son père juste décédé. Accompagné de Simon Bajour puis Elvino Vardaro au violon, Jaime Gossis au piano, Jorge Lopez Ruiz à la guitare électrique et Kicho Diaz à la contrebasse, il réalise enfin cette magnifique synthèse entre les musiques populaires, savantes et même des éléments du jazz…

 

En 1963, il produit Tres tangos sinfonicos sous la direction de Paul Klecky (prix Hirsch), et en 1965 deux de ses plus fameux enregistrements : Piazzolla au Philharmonique de New York et El tango, en collaboration avec son ami, le poète Jorge Luis Borges, disque culte dans l’histoire du tango.

En 1968 débute une collaboration importante avec le poète Horacio Ferrer, avec qui il composera ses plus fameux tangos dont Balada para un loco ainsi qu’une opérette créée en Italie, Maria de Buenos Aires qui n’aura aucun succès.

 

4 – EPILOGUE

Il dissout son quintette en 1988 pour fonder un ultime groupe : deux bandonéons, violoncelle, contrebasse, guitare, piano, sextette qu’il dissout à son tour suite à des dissensions. Il meurt en 1992 suite à une attaque cérébrale dont il ne s’est jamais remis.

 

 

Vous avez dit tango?

 

L’histoire de Piazzolla est, nous l’avons vu, directement liée à celle du tango. Et autant que celle du jazz, l’histoire du tango est celle d’un métissage, de rencontres de cultures africaine européenne dans l’histoire et la géographie sud américaine.

 

 

1 – Buenos Aires, capitale de l’Argentine, et du tango!

L’Argentine est un grand pays d’Amérique du Sud qui partage ses frontières avec le Chili à l’ouest, le Paraguay et la Bolivie au nord, l’Uruguay au nord-est, et enfin l’océan Atlantique à l’est et au sud.  Le relief est très varié, on y trouve les montagnes des Andes, les lacs glaciaires et la pampa, de grandes plaines de pâturage… La langue officielle de l’Argentine est l’espagnol, et la capitale est Buenos Aires.

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2 – Origines du tango

Autant que le jazz, le tango doit ses origines au continent africain. Les noirs, descendants des esclaves sont nombreux au milieu du XIXe siècle en Argentine, et leurs musiques et leurs danses sont un des piliers du tango.

En ce qui concerne les origines du mot “tango”, les historiens proposent des significations différentes…

En Afrique, on retrouve le mot tango dans au moins deux langues du groupe  kongo/bantou avec des sens différents ( en kongo/lari, n’tangou signifie le temps, alors qu’en kongo/lingala, il signifie le soleil). Tango désignerait aussi  un lieu fermé dans lequel il faut être initié pour entrer et où se pratiquent des rituels religieux au son des tambours…

A Cuba, au milieu du XIXème siècle, on donne le nom de tango à toutes les danses de rue des esclaves. José Gobello, historien du tango, cite à ce sujet une définition de tango donnée à Cuba en 1836: “réunion de Noirs bozales (récemment venus d’Afrique) pour danser au son de leurs tambours”. Le terme tango désignait aussi l’endroit où les négriers parquaient les esclaves avant leur embarquement.

En ce qui concerne ses origines musicales, le tango naît au XXe siècle sur les rives du Rio de la Plata, dans les faubourgs de Buenos Aires (en Argentine) et de Montevideo (en Uruguay).

Le tango naît donc de ce métissage où se mélangent les rythmes de candombe africain, la milonga argentine, la habanera cubaine, la valse, la mazurka, le flamenco…

Le candombe: chant a capella accompagné d’une percussion chanté par les esclaves. Dans les années 1860, les payadores ou troubadours indigènes et créoles se l’approprient et l’intègrent à leurs improvisations chantées : les payadas. De la payada découle la milonga, un genre musical provenant de la pampa qu’arpentent les payadores. La milonga est elle-même basée sur le rythme de la habanera espagnole…

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Candombe afro-argentins jouant de Buenos Aires,  1938.

 

Avec le développement du commerce, de l’immigration massive venue d’Europe, certaines musiques et danses occidentales débarquent à leur tour en Amérique du Sud : polkas, mazurkas, valses, marches, scottish, tarentelles… Ainsi, les bas – fonds et les bordels de Buenos Aires où les noirs imitent les danses suscitées de leurs anciens maîtres vont devenir le véritable creuset du tango. Nous sommes au tournant du XXe siècle. Déjà doté d’un fort pouvoir de séduction, le tango attire toute une bourgeoisie européenne désireuse de s’initier et de s’encanailler et va rayonner dans toute l’Europe.

 

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Carlos Gardel dansant un tango avec l’actrice Mona Maris dans le film Cuesta abajo de Louis Gasnier en 1934

 

Le tango va connaître un âge d’or entre 1940 et 1955 avec des musiciens tels Carlos Gardel, Anibal Troilo… avant de décliner face à un double assaut : esthétique, avec l’avènement rapide du Rock ‘n roll et politique, avec l’arrivée au pouvoir de dictatures en Amérique du Sud. Au début des années 1980, le tango est, pour beaucoup d’européens, une danse de musette un peu ringarde. A la faveur d’un spectacle Tango Argentino donné à Paris, et d’un développement des goûts pour les cultures métisses, extra européennes ou dites « premières », le tango va retrouver son public. Le succès de cette danse, de cette culture ne s’est pas démenti depuis.

 

3 – L’effectif instrumental du tango

Avant 1900, on trouve dans les premiers orchestres de tango de Buenos Aires – ou tango porteño –  le  trio : flûte, guitare et violon. On trouve aussi parfois une harpe. Peu à peu, le piano prend sa place dans l’orchestre, et le bandonéon remplace la flûte…

 

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Orchestre de Vicente Greco

Le bandonéon

 

Le bandonéon est un instrument à vent et à clavier de la famille des instruments à anche libres. Il apparaît à la fin des années 1840 en Allemagne, son inventeur est Heinrich Band. Il est composé de deux claviers fournissant une échelle chromatique et son étendue est importante. Il commence sa carrière dans les temples protestants démunis d’orgues, et la poursuit en Argentine, dans les milieux populaires en raison de son faible coût. Il y devient l’instrument privilégié du tango dès la fin du XIXe siècle…

Le bandonéon, comment ça marche? Par Louise Jallu, qui sera soliste lors du concert Destination Piazzolla…

 

« Le soupir du bandonéon » ou un voyage au cœur du tango argentin: Alain Ray, musicien d’Yverdon, vit à cheval entre le canton de Vaud et la mégapole Buenos Aires. Avec son instrument il nous fait découvrir à la fois les milieux du tango, l’atelier d’un luthier qui fabrique des bandonéons mais aussi la pampa argentine ou il retrouve sa famille qui a quitté la Suisse en 1948 pour s’installer en Argentine.

Les rythmes du tango

 

La dimension rythmique a une grande importance dans la musique de tango.

“Ces cellules rythmiques, sans lesquelles le tango ne saurait exister, appartiennent à la tradition des groupes noirs et métis de la côte atlantique de l’Amérique latine. Elles résultent de l’activité musicale des esclaves d’origine africaine qui se métissa au contact de la musique blanche. Parmi ces diverses formules rythmiques présentes  tout au long de l’Atlantique, des Antilles au Rio de la Plata (et aussi au Pérou, en Equateur…), il y a la célèbre formule de habanera”. (Michel Plisson)

Habanera

C’est LE rythme le plus connu du tango. La habanera (ou havanaise) présente une formule bien caractéristique, avec un premier temps très accentué: croche pointée / double croche/ deux croches).

HABANERA

 

Les origines de la habanera sont probablement afro-cubaines. Elle apparaît en Europe au cours de la seconde moitié du XIXème siècle , d’abord en  Espagne (Albeniz, M. de Falla), puis en France, où elle inspire entre autres Debussy, Ravel (Rhapsodie espagnole) Saint-Saens, ou encore Bizet, on pense inévitablement à l’air de Carmen L’amour est un oiseau rebelle). On trouve aussi des formules de habanera dans les musiques nord africaines de l’Atlas…

 

 

Voici, pêle-mêle, quelques morceaux construits sur un rythme de habanera (parmi bien d’autres!)…

 

 

Focus sur Libertango

 

Libertango est un morceau de tango composé par Astor Piazzolla et enregistré à Milan en 1977. Le titre mêle le mot tango avec celui de libertad (liberté en espagnol). Il symbolise le passage de Piazzolla d’un tango traditionnel au nuevo tango. Voici le morceau joué à la télévision, lors de l’émission TSR Mosaïque du 18 mai 1977.

Quels éléments ont pu paraître nouveaux à l’époque?

 

La nouveauté réside d’abord dans l’instrumentation, avec l’utilisation d’instruments électriques. Introduction à la guitare électrique, puis entrée de la basse électrique. C’est aussi une époque où les synthétiseurs sont en plein essor (on pense au légendaire Mini Moog). Astor Piazzolla intègre ces instruments à son nuevo tango, là où par le passé des instruments exclusivement acoustiques étaient convoqués.

Une grande part est laissée à l’improvisation (arrivée du piano, solo de batterie,  flûte), l’influence du jazz est manifeste.

Le thème du morceau n’arrive que tardivement au bout de 2 min 40, au bandonéon.

 

 

 

Les plans sonores dans Libertango

Comme dans un tableau, qui présente des éléments en premier plan et en arrière plan, le morceau Libertango présente trois principaux plans sonores.

D’abord un motif au bandonéon, qui suit le même motif rythmique, immuable, et qui se transpose en pente descendante…

 

En arrière plan, une cellule rythmique, dérivée de la formule de habanera, est marquée dans le registre grave. Dans la vidéo déjà visionnée, elle est jouée par la basse électrique. Dans l’extrait suivant, au violoncelle, en spizzicato (l’archet rebondit légèrement sur les cordes). Une tension croissante est créée par une note pédale, la note de la, répétée dans le grave pendant 10 mesures…

 

Enfin le thème, mélodie principale, entre en premier plan (à la flûte traversière dans la vidéo du groupe de Piazzolla, ici au violon).

 

Le morceau Libertango a été beaucoup repris, voici une version en duo par Richard Galliano (accordéon) et Michel Portal (saxophone soprano).

Quelques tangos célèbres

 

 

Pistes pédagogiques

 

1- Carmen, de Bizet à Stromae ! 

Objectif: Comparer les deux morceaux (points communs / différences), Identifier & reproduire le rythme de habanera, repérer les champs lexicaux dans le texte de Stromae…

Bibliographie / Webographie

WEBOGRAPHIE

https://xn--rpubliquedeslettres-bzb.fr/histoire-du-tango.php

https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/application/x-download/2015-06/fiche_pedagogique-_au_rythme_du_tango.pdf

 

BIBLIOGRAPHIE

Michel PLISSON, Tango, du noir au blanc, Cité de la musique / Actes Sud – 2001

Juan Carlos CACERES, Tango negro, Editions du jasmin, 2013

Nardo ZALKO, Un siècle de tango Paris-Buenos Aires, Editions du félin, 1998

Rémi HESS, Le tango, Que sais – je? – Presses Universitaires de France, 1996

VIGNAL Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1999

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Fiche pédagogique