En dehors des célèbres Variations sur un thème rococo, Tchaïkovski composa plusieurs autres partitions dédiées au violoncelle : le Pezzo capriccioso en si mineur op.62 (1887) ainsi que deux transcriptions, le Nocturne et l’Andante cantabile, tous deux achevés, à Paris, en 1888. A ces pièces s’ajoute une multitude de transcriptions variées pour l’instrument. Il s’agit essentiellement de mélodies que les grands violoncellistes du XXe siècle ont largement popularisé notamment par des “bis”, à l’exemple de Gregor Piatigorski.
A l’origine, les Variations sur un thème rococo furent composées en 1876 pour violoncelle et piano. Le violoncelliste d’origine allemande Wilhelm Fitzenhagen (1848-1890), professeur au Conservatoire impérial de Moscou en fut le dédicataire. Le compositeur le remerciait ainsi d’avoir participé à la création de ses Quatuors à cordes op.11, 22 et op.30. Fitzenhagen jugea la composition suffisamment “maladroite” pour la corriger… de fonds en comble ! L’ordre des variations ainsi que leurs registres furent bouleversés (la septième prit la place de la troisième, laquelle se retrouva à la sixième position, etc.). Il estimait ainsi mettre en valeur la progression dramatique de l’ouvrage. La nouvelle version se composait dorénavant d’une introduction, d’un thème et de huit variations. Fitzenhagen la créa le 18 novembre 1877 au Conservatoire de Moscou. Nicolas Rubinstein l’accompagnait au piano. Peu susceptible et reconnaissant le mérite des changements proposés, Tchaïkovski demanda au violoncelliste d’assurer lui-même l’édition de l’œuvre, publiée en 1878 chez Jurgenson. Mais une fois encore, le compositeur fut stupéfait de constater que la partition imprimée comportait de nouvelles modifications sans qu’il en ait été informé ! En effet, l’édition ne se composait plus que de sept variations, la cadence étant placée au niveau de la quatrième.
En 1889, Tchaïkovski orchestra la pièce, également sous le regard du soliste car il considéra que la partie de violoncelle était de la main de celui-ci ! C’était aussi une façon élégante de rendre hommage au musicien alors mourant. La version originale de la partition orchestrée ne fut créée qu’en 1941 grâce au violoncelliste Daniel Schafran qui en assura la première sous la direction d’Alexandre Melik-Pachaiev. Quinze ans plus tard, en 1956, les Editions Soviétiques publièrent le matériel, mais il faut reconnaître que cette édition n’a jamais emporté l’adhésion de la majorité des interprètes. La comparaison entre les deux versions nous révèle que l’original comporte quelques maladresses, mais qu’elle est plus inventive et plus proche de l’esprit de la sérénade. En revanche, l’édition de Fitzenhagen répond aux règles du concerto romantique. L’interprétation en est assurément plus valorisante pour le soliste.
Sur le plan stylistique, la partition témoigne de l’attachement du compositeur à l’égard des univers baroques et classiques. La sinfonia italienne, le style galant français et le divertissement viennois y sont habilement réunis. L’œuvre apparaît comme représentative du postromantisme académique russe. L’orchestration correspond à la « formation Mozart » avec des pupitres de vents par deux et aucune percussion. Pour le soliste, la partition est très exigeante sur le plan technique. Elle représente un catalogue de la virtuosité du violoncelle au milieu du XIXe siècle, notamment pour le registre aigu de l’instrument. Enoncé par les cordes et les bois, le thème est suivi de deux variations dans les tonalités de La majeur, puis d’Ut, cette dernière de forme très libre. Le violoncelle s’impose au cours des deux variations en La majeur, puis une dernière en ré mineur. Elle représente le “cœur expressif” de la partition qui s’achève par la cadence. L’expression romantique y paraît alors plus germanique que slave.