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Guillaume Saint-James
(1967)
Symphonie « bleu »
Composition : 2019
Création : 10 septembre 2021 lors du festival international de Besançon par l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté dirigé par Jean-François Verdier.
Comment est née la Symphonie « Bleu » sans le “e”, dont l’absence interroge…
C’est bien du bleu de travail dont il s’agit et non une référence à une célèbre rhapsodie ou bien au blues… L’œuvre est sous-titrée « symphonie ouvrière ». J’ai toujours pensé que les musiciens étaient aussi et, peut-être avant tout, des artisans. Ils ont d’ailleurs, pour la plupart, une relation très forte avec leur instrument, qu’il soit en bois, en cuivre ou bien qu’il s’agisse de leur gorge !
L’œuvre est une commande en 2019, de l’Orchestre Victor Hugo Bourgogne Franche-Comté dirigé par Jean-François Verdier. Il a fallu attendre avant de la donner et de l’enregistrer, en 2020, en raison de la pandémie. J’ai voulu rendre hommage à cinq grandes figures de l’artisanat, de personnalités hors normes qui ont apporté leur talent dans des univers différents.
Cinq personnalités, cinq “Monsieur“ et donc, en cinq mouvements…
Cinq personnalités dont il faut préciser qu’elles ont travaillé sur la notion de temps et du mouvement à une époque où la machine prenait de plus en plus d’importance. Il y eut en effet cette période industrieuse durant laquelle les métiers produisaient des sons que la symphonie réinvente et met en scène. La porosité entre le monde de la musique et celui du travail était réelle. La Symphonie rend hommage à la noblesse du travail ouvrier.
L’œuvre s’ouvre par Monsieur Arthur, en référence à Honegger, mais aussi à un milieu dans lequel les prénoms s’imposaient avant les noms. Honegger me fascine par son génie rythmique, sa manière de rendre vivante une Pacific 231, de suggérer le démarrage d’un moteur à l’orchestre.
Monsieur Victor (Victor Hugo) a si bien parlé du souffle des grands espaces marins ! Je suis parti en mer quelques jours à bord d’un chalutier pour m’inspirer du gigantisme des bruits, de la musique d’un bateau qui vibre en permanence.
Avec Monsieur Tati, cinéaste lumineux des congés payés, le bruit s’ordonne dans une partition “rétinienne.” Un crissement de roue, un battement de porte entrent dans une musicalité qui se complète par quelques thèmes ciselés. La pulsation est orchestrée, de manière complexe parfois, en musique répétitive, propre au gag et à l’émotion mêlées, ce qui me fait songer à l’œuvre du compositeur américain Steve Reich.
Monsieur Fred n’est autre que Frédéric Lippman, inventeur des montres Lipp et dont les usines ont été réquisitionnées durant la guerre car il était juif. Le Musée du Temps à Besançon, musée d’histoire et d’horlogerie évoque cette période de la mécanique de précision qui disparut durant de nombreuses années de l’industrie franc-comtoise.
Enfin, Monsieur Chaplin, visionnaire des Temps Modernes dénonce le consumérisme et joue du burlesque sonore que suggère le dérèglement inévitable des machines.
Comment s’ordonnent ces cinq univers sonores à l’orchestre ?
J’ai imaginé la partition comme une suite de tableaux et les liens se tissent, je l’espère, naturellement, notamment par les complémentarités de tonalités… Je me suis amusé à ordonner un univers sonore inédit : imaginez un batteur sur scène (Christophe Lavergne), un orgue Hammond (Emmanuel Bex), un saxophoniste (moi-même), des commandes électriques qui permettent de démarrer les bruits de machines – en partenariat avec la SNCF – des perceuses, boites à musique… c’est un véritable atelier sonore qui s’invite au cœur de l’Orchestre national de Bretagne ! Si l’improvisation prend ici toute sa place, les uns et les autres, nous ne faisons que façonner le son parce que le rapport physique à l’instrument et à tout objet détourné de sa fonction initiale est l’une des choses les plus belles qui soit.