L’œuvre du compositeur Menachem Wiesenberg – par ailleurs, pianiste de jazz et enseignant à l’Académie de Musique de Jérusalem – est conséquente. Il a reçu de nombreuses commandes et écrit pour orchestre, ensemble de musique de chambre, voix, mais aussi pour les répertoires du jazz et de la variété. Il est l’auteur de nombreux arrangements de chansons populaires israéliennes et yiddish qui colorent profondément l’ensemble de sa production. Il y a deux saisons, nous avions entendu son Concertino pour oud, piano et cordes. Celui-ci reliait cultures arabe et occidentales dans l’esprit d’une longue improvisation dans la musique arabe.
Dans la Suite Concertante, on retrouve ce dialogue entre deux instruments, le violon classique et le violon Klezmer. Le compositeur nous la présente ainsi : « la pièce est composée en un seul long mouvement. J’ai utilisé nombre d’airs et danses Klezmer magnifiques et j’en ai ajouté de ma propre composition. Chaque soliste représente sa propre tradition de jeu. Pour autant, il s’agit d’une rencontre et non d’une confrontation. L’un et l’autre s’influencent. Ecrire un tel morceau représentait, à mes yeux, une manière de me relier à mes souvenirs les plus profonds, ceux d’un enfant. La pièce reflète mes croyances les plus secrètes, en tant que juif et être humain ».
La partition a été composée en 2006. Elle a été créée à Tel Aviv par le Sinfonietta d’Israël Beer-Sheva, placé sous la direction de Doron Solomon. Iramar Zorman et Sophie Solomon en furent les deux solistes.
L’œuvre s’ouvre dans le climat d’une danse populaire, aux effluves presque bartokiennes. Le violon classique suivi du violon Klezmer déroulent des mélodies sur des notes longues de l’orchestre. Le caractère improvisé du violon Klezmer contraste avec celui du violon classique : le premier se révèle brillant et le second s’en tient dans le registre de la confidence. Ces deux caractéristiques disparaissent bien rapidement. En effet, suit un passage Moderato, complexe d’écriture car jouant de l’enchevêtrement harmonique et rythmique des solistes. La texture de l’orchestre ne cesse de s’épaissir tout comme la technique virtuose des deux violons. Voilà bien un double concerto dans lequel chacun montre sa personnalité ! Le violon Klezmer joue avec une expression lyrique de plus en plus soutenue et se lance dans une cadence passionnée. Le violon classique le rejoint dans un rythme soutenu par l’orchestre.
L’adagio offre un bref instant de répit, “d’immobilité sonore”. Puis surgit un Allegro moderato dansant, rhapsodique dans son esprit et aux effluves tziganes. Les motifs sont répétés sur un rythme traînant. Les deux violons dialoguent joyeusement. Leur duo évoque le style de la Hora roumaine, une danse traditionnelle dans laquelle les participants forment un grand cercle ouvert ou fermé. Suit une cadence des deux violons, dans laquelle leurs voix sont inextricablement mêlées. Une nouvelle partie, plus lente, Moderato propose des couleurs crépusculaires, un poco misterioso, un moment de répit avant le finale. Celui-ci est, tour à tour, Allegro moderato – porté par les timbres de la clarinette, l’instrument central dans la musique Klezmer – puis Allegro molto giocoso et toujours de plus en plus rapide. La danse se déchaîne dans un Presto et, enfin, un Prestissimo exalté.
A voir, le site de Menachem Wiesenberg