(1872 – 1958)
« Ralph Vaughan Williams » par Marc Vignal (ed. Bleu Nuit, 2015)
« Vaughan Williams a été le compositeur le plus essentiellement anglais de son temps » affirma non sans humour le chef d’orchestre Sir Thomas Beecham (1879-1961) ! Il reconnut aussi l’importance du musicien, hélas toujours aussi méconnu et sous-estimé en dehors de son pays.
Petit-neveu du naturaliste Charles Darwin (1809-1882), issu d’une famille aisée, Ralph Vaughan Williams se passionna, dans sa jeunesse, pour les musiques populaires anglaises. Avec ses amis Gustav Holst (1874-1934) et George Butteworth (1885-1916), il sillonna l’Angleterre afin de relever les mélodies et danses folklores qui risquaient de se perdre. Entre 1897 et 1909, il partit étudier en France puis en France auprès de Max Bruch (1838-1920) puis de Maurice Ravel (1875-1937). De cette époque datent quelques-unes de ses œuvres les plus importantes comme la Fantaisie sur un thème de Thomas Tallis, The Lark Ascending et A London Symphony… Dans les années qui suivirent, son répertoire s’élargit considérablement, intégrant aux côtés d’œuvres purement symphoniques, des concertos, des ballets, des opéras, ainsi que des œuvres religieuses. Son écriture évolua à partir des années trente vers l’abandon de citations issues du folklore pour prendre la direction d’un langage plus austère, mais aussi violemment expressif. Celui-ci témoigne de son renoncement à la société traditionnelle britannique et de son rejet des cultures allemandes et italiennes, dont Vaughan Williams ne put supporter qu’elles aient été dévoyées par leur fascisme respectif.
Serenade to Music fut composé pour seize voix solistes et orchestre. L’œuvre célébrait les cinquante ans de carrière du chef d’orchestre Sir Henry Wood (1869-1944), fondateur des Henry Wood Promenade Concerts, les fameux Prom’s. Il dirigea la création de la partition, le 5 octobre 1938, au Royal Albert Hall. Le texte est extrait de la première scène de Lorenzo, au dernier acte du Marchand de Venise (The Merchant of Venice) de Shakespeare. La musique évoque avec lyrisme, un soir d’été. Vaughan Williams eut l’idée d’associer à sa composition seize solistes vocaux qui avaient travaillé avec Henry Wood. La pièce s’ouvre dans un grand raffinement sonore. Le violon solo décrit l’atmosphère d’un jardin en Méditerranée. Les voix entrent petit à petit avec la nuance « sweet harmony ». Elles s’expriment en solistes, mais aussi par ensembles et jusqu’à douze parties différentes. Contemplative et mélancolique, puissamment lyrique, la musique se déploie avant de revenir à la douceur des premières mesures.
La partition connut un tel succès que Vaughan Williams l’arrangea pour divers ensembles : quatre solistes, chœur et orchestre, mais aussi chœur et orchestre, chœur et piano et orchestre seul. Enfin, pour l’anecdote, Serge Rachmaninov, qui fut le soliste de son Deuxième Concerto pour piano lors du concert du 5 octobre 1938, assista, dans le public, à la création de Serenade to Music. Il fut si ému qu’il reconnut avoir pleuré…