Le clarinettiste Raphaël Sévère est également compositeur. Il nous présente son Concerto pour clarinette, commande de l’Orchestre symphonique de Bretagne et dont nous assistons à la création.
Quelle est la place de la composition dans votre vie d’instrumentiste ?
J’ai improvisé et composé très tôt, en parallèle à l’apprentissage de différents instruments. J’ai d’abord débuté une carrière de clarinettiste, la composition restant une passion « d’ordre privé ». Un ami guitariste, Antoine Morinière, a été le premier à m’inciter à faire connaître mes pièces. Il m’a commandé deux œuvres. Au fil du temps, j’ai assumé publiquement cette activité ! Au début, ce ne fut pas évident, car notre société a tendance à répertorier les artistes dans des cases d’où ils ne peuvent sortir. Pourtant, il suffit de se rappeler que dans le passé, la plupart des compositeurs étaient les interprètes de leurs propres œuvres.
Revendiquez-vous une esthétique particulière ?
Chaque compositeur aspire à son propre langage. Il se veut « inclassable ». Je travaille beaucoup avec un pianiste et compositeur, Jean-Frédéric Neuburger qui m’inspire profondément. Parmi les compositeurs du passé, certains me fascinent tout particulièrement. C’est le cas de Richard Wagner qui, très tôt, a pensé le son et le timbre. J’ajouterais les génies de Maurice Ravel et de Béla Bartók. Leur approche de la composition est, tout simplement, une source constante d’émerveillement.
D’où provient le titre du concerto et comment se structure-t-il ?
Légende – Mojenn en breton – est le titre de l’œuvre, qui est un hommage direct à la culture bretonne. La pièce est d’un seul tenant, conçue dans la forme classique « A-B-A’ ». La clarinette joue en premier et son thème évoque, d’emblée, la Bretagne. Celui-ci réapparait à plusieurs reprises dans la partition. La première partie du Concerto est lente et mélancolique. C’est la Bretagne du centre, celle d’un habitat en granit austère et dont je suis, en partie, originaire. Puis il se produit une rupture et la pièce s’anime en une suite de danses rapides. Les sonorités spécifiques des danses bretonnes se reconnaissent avec, par exemple, l’imitation de sonneries de cornemuse. S’ensuit une longue cadence de la clarinette et des timbales. Enfin, l’intensité expressive s’estompe et l’atmosphère devient plus sombre. Le Concerto s’achève sur une « question ».
Quelle orchestration avez-vous choisie et comment définiriez-vous la dimension soliste de la clarinette ?
Le Concerto a été pensé pour l’orchestre, lui-même développé selon le principe de groupes instrumentaux. De fait, l’écriture symphonique choisie oppose les pupitres entre eux et la clarinette essaie de tisser les liens entre les ensembles. Les contrastes sont accentués dans un esprit « ravélien ». J’ai pu ajouter quelques pupitres « classiques » (deux trombones et un ensemble de petites percussions) afin d’apporter plus d’ampleur et de variété.
L’orchestre va davantage vers la clarinette que l’inverse, c’est-à-dire qu’elle tient souvent le rôle du sonneur, à l’instar de la clarinette bretonne, le Treujenn-gaol : la clarinette propose des idées musicales inachevées que l’orchestre complète. Celui-ci est de plus en plus volubile dans la partie rapide de l’œuvre, ce qui pousse inévitablement l’instrument soliste dans ses derniers retranchements.