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Concerto pour piano et orchestre n°1 en ré bémol majeur op.10

Né en Ukraine, le 27 avril 1891, Serge Prokofiev apprend la musique grâce sa mère, bonne pianiste. A l’âge de cinq ans, ses premières partitions font sensation. Les célèbres compositeurs et pédagogues Reinhold Glière (1875–1956) et Serge Taneiev affinent sa formation. En 1904, Prokofiev entre au conservatoire de Saint-Pétersbourg, dans les classes d’Anatoly Liadov (1855–1914), Nikolaï Rimski-Korsakov (1844–1908) et Nicolaï Tcherepnine (1873–1945), ce dernier dédicataire du Premier Concerto pour piano.

 

Le jeune musicien s’intéresse à la musique de son temps et tout particulièrement aux pièces de Richard Strauss (1864–1949), Claude Debussy (1862–1918), Max Reger (1873–1916) et Arnold Schönberg (1874–1951). Critique à l’égard du traditionalisme de l’enseignement russe et de l’académisme de certains compositeurs, il passe pour un révolutionnaire.

 

Le piano de Prokofiev peut être considéré comme révolutionnaire au même titre que ceux de Bela Bartok (1881–1945), Hans Eisler (1898–1962) et Paul Hindemith (1895–1963). Il s’inscrit dans une farouche opposition au romantisme mais également à l’impressionnisme. Alors que Rachmaninov clôt un siècle de piano romantique, Prokofiev utilise le piano comme un instrument à percussion : il est “le réducteur” d’un orchestre imaginaire. Les canons romantiques du “beau” et du “laid” volent en éclats. Ils se broient dans l’endurance guerrière des poignets. Au total, cinq concertos, plusieurs cycles pour piano seul dont les Visions fugitives, les Sarcasmes, 9 Sonates et une quantité importantes de transcriptions forment le corpus de son œuvre.

 

Le Premier Concerto est créé le 7 août 1912, à Moscou, sous la direction de Constantin Saradjev avec le compositeur au piano. Le scandale n’est pas aussi grand que lors de la création du Second Concerto pour piano, l’année suivante, mais déjà, il aiguise les plumes de la critique dont quelques représentants assurent que le compositeur est « prêt pour la camisole de force ». Cela étant, le jury du Concours Rubinstein attribue le premier prix à cet étudiant, un trublion de dernière année du Conservatoire !

 

La partition se compose de trois mouvements enchaînés.

 

Dès les premières notes de l’Allegro brioso, l’orchestre et le piano assurent un rythme de marche dans une harmonie dissonante. Les pupitres de l’orchestre fusionnent dans un crescendo. Puis, c’est au piano de lancer une course-poursuite diabolique. Ce sont des traits en tout sens que les cordes accompagnent en arrière-plan. Le début mélodieux a volé en éclats, pulvérisé par des gerbes d’étincelles ponctuées par la percussion de l’orchestre. Le piano danse, ricane, s’esclaffe, change brutalement de rythme. On retrouve l’esprit de la pantomime, du Petrouchka d’Igor Stravinsky (1882-1971) créé un an plus tôt, en 1911. Dans le Meno mosso, le piano aux couleurs glaciales scande un thème menaçant. Puis c’est à nouveau la course effrénée.

 

L’Andante assai s’ouvre sur le chant de la clarinette accompagnée par les cordes. Dans une atmosphère nimbée et mystérieuse, le piano semble improviser. Il est bientôt rejoint par l’énergie de tous les pupitres de l’orchestre.

 

L’Allegro scherzando débute de manière originale, sur la ponctuation des cordes et un trébuchement du piano comme pressé de se lancer dans la bataille. L’ironie et le sarcasme s’imposent jusque dans les sonneries de cuivres et l’explosion finale, digne d’une toccata.

 

A lire

 

« Serge Prokofiev » par Laetitia Le Guay (Actes Sud / Classica, 2012).