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Anita (création)

(1977 – )

 

En 2017, l’Orchestre symphonique de Bretagne donna la première de la pièce Scherzo de Benoît Menut. Aujourd’hui, le compositeur français nous propose quelques pistes de réflexion à propos de son œuvre Anita dont nous entendons la création.

 

A quoi se réfère le titre de la partition ?

 

Cette année, je suis en résidence au Conservatoire Le Kiosque de Dinan, en Bretagne. Je réalise un travail sur la grande océanographe française Anita Conti *. Au cours de ses voyages en mer, elle prit des milliers de photos et j’ai donc décidé de composer une musique à partir d’un montage de ses clichés, notamment ceux réalisés lors de la campagne de Terre-Neuve, en 1952. L’œuvre peut évidemment être jouée sans le support visuel.

 

Comment se structure la partition et quel langage utilisez-vous ?

 

La musique est d’un seul mouvement, dans l’esprit d’un poème symphonique. L’écriture de cette pièce est d’une esthétique assez “française”, c’est-à-dire avec beaucoup d’attention réservée à la finesse de la texture orchestrale. Le travail sur le timbre prend ici le pas sur l’approche rythmique, un paramètre que j’ai davantage valorisé dans mes œuvres précédentes. Bien qu’il y ait un passage puissant et très dynamique qui évoque la tempête, la partition est d’essence plutôt méditative. En effet, elle porte un regard sur la vie des hommes à bord des bateaux. La musique est ainsi, à la fois, lyrique et introvertie.

 

Peut-on dire que votre travail d’écriture s’inscrit dans une tradition qui puise ses sources chez Debussy ?

 

Il n’y a pas de filiation directe avec la musique de Debussy, mais le rapport au timbre, à l’harmonie, à la couleur peut évoquer un lien ténu. D’autant plus, que la thématique marine est importante, à la fois dans l’inspiration des photographies, mais aussi dans ma sensibilité et, évidemment, dans l’écriture de Debussy. En vérité, ma partition joue de la suggestion. Encore un lien avec Debussy…

 

Née en 1899, Anita Conti dressa, entre les deux guerres mondiales, les premières cartes de la pêche, ce qui permit de rationaliser les pratiques de celle-ci. Pionnière de l’aquaculture, elle n’a eu de cesse d’alerter sur les dangers de la surexploitation du milieu marin. Anita Conti disparut en 1997.

 

Quatre Interludes marins (Sea Interludes) de Peter Grimes op.33a

 

(1913 – 1976)

 

L’opéra Peter Grimes demeure l’œuvre la plus célèbre de Britten, composé dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale. Le livret est inspiré du poème The Borough que George Crabbe (1754-1832) écrivit en 1810. L’action se situe dans le Suffolk où s’était établi le compositeur. On y découvre l’histoire tragique d’un pêcheur qui subit l’hostilité des habitants de la communauté de Borrough. En juin 1945, Britten réalisa une suite orchestrale à partir de plusieurs interludes de l’opéra.

 

Les quatre Interludes marins s’ouvrent sur la pièce Dawn (l’Aube). Elle emprunte son matériau au prologue et au premier acte de l’opéra. L’écriture s’inspire des couleurs clair-obscur d’un paysage des côtes anglaises. Aux sons filés des aigus des pupitres des cordes répondent les vents. L’atmosphère étrange paraît à la fois charmeuse et inquiétante. Cette mélodie lento et tranquillo suggère l’influence de quelque page de Jean Sibelius (1865-1957).

 

Le second interlude, Sunday Morning (Dimanche matin) s’ouvre dans une tout autre ambiance. Les rythmes syncopés de ce prélude extrait de l’acte II éclairent une scène animée. L’insouciance populaire (toccata des bois) se joint aux tintements des cloches (quatre cors) qui symbolisent l’appel des fidèles pour l’office religieux (cordes graves).

 

Moonlight (Clair de lune) est un andante comodo e rubato. Le prélude de l’acte III annonce pour le personnage principal, Peter Grimes, de sombres présages. La flûte, la harpe et le xylophone sont les seuls solistes “mobiles” et lyriques de cette page statique dans laquelle le rythme peine à se déployer.

 

Le dernier interlude explose dans la fureur des éléments. Storm (La Tempête) presto con fuoco se situe entre les deux scènes du premier acte. Grimes exprime son désespoir et sa quête vaine de la paix. La violence dont est capable le personnage est exploitée par la puissance d’un orchestre combatif. Il met en scène des vents puissants (cordes) et une mer démontée (cuivres). C’est un poème symphonique dans lequel les éléments marins sont eux-mêmes des personnages à part entière.

 

A LIRE

« Benjamin  Britten ou l’impossible quiétude » par Xavier de Gaulle (ed. Actes Sud, 1996).