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La Symphonie Fantastique op.14

En septembre 1827, Berlioz assiste à Paris à deux pièces de Shakespeare, Hamlet et Roméo et Juliette. L’actrice principale de la troupe anglaise est Harriet Smithson. Le musicien tombe follement amoureux de l’interprète qu’il finit par épouser en 1833… Née dans le tumulte de la passion, cette liaison s’achève sur un échec retentissant.

 

La Symphonie Fantastique ne peut toutefois se résumer à la seule expression en musique d’une passion dévorante ! La littérature – Shakespeare, Hugo, Goethe, Chateaubriand – et les influences d’autres compositeurs marquent l’œuvre. En effet, Berlioz aurait pu être qu’écrivain, chroniqueur ou romancier tant sa plume est belle et savoureuse.

 

Sur le plan musical, Berlioz est alors subjugué par les œuvres de Weber et de Beethoven. Du premier, il entend, en 1824, le Freischütz et du second, quatre ans plus tard, la Cinquième Symphonie. Enfin, la Symphonie Pastorale l’incite à modifier la structure de sa propre symphonie dont les cinq mouvements rompent l’équilibre des quatre parties “traditionnelles”.

 

Deux mois suffisent à Berlioz pour achever la partition, qui est créée le 5 décembre 1830. Elle est, en principe, le premier volet d’un diptyque qui forme un ensemble cohérent avec la partition Lélio qui l’on ne donne pratiquement plus aujourd’hui. La première de la Fantastique suscite les réactions les plus vives de la part d’un public qui a vécu les journées des Trois Glorieuses ainsi que la bataille d’Hernani. L’œuvre s’inscrit à contre-courant de la vie musicale parisienne, alors dominée par l’opéra et le ballet.

 

Dans le programme flamboyant de la partition, Berlioz se présente comme l’archétype de l’artiste romantique : le héros d’un bal délirant, d’une marche à l’échafaud, sauvé jusqu’au songe d’une nuit de sabbat, puis délirant sous l’effet de l’opium. Dans le texte qui est remis au public, le jour de la création, il décrit ainsi « l’Episode de la vie d’un artiste » : « Un jeune musicien, d’une sensibilité maladive et d’une imagination ardente, s’empoisonne avec de l’opium dans un accès de désespoir amoureux. La dose de narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un lourd sommeil accompagné des plus étranges visions, pendant lequel ses sensations, ses sentiments, ses souvenirs se traduisent dans son cerveau malade en pensées et en image musicales. La femme aimée elle-même est devenue pour lui une mélodie et comme une idée fixe qu’il retrouve et qu’il entend partout ».

 

Par la suite, Berlioz refusa qu’un programme soit distribué afin que l’œuvre soit considérée uniquement sous son aspect artistique. Il est vrai que la passion pour Harriet Smithson avait disparu depuis longtemps…

 

L’atmosphère mélancolique de Rêveries, Passions ouvre l’œuvre dans un mouvement Largo. Celui-ci évoque la femme parée de toutes les vertus dont le thème traité en leitmotiv est à la source du déchaînement des passions. Berlioz conçoit le principe de “l’idée fixe” et il imagine des timbres orchestraux inédits. Le caractère des instruments est individualisé, traduisant des états psychologiques successifs. Le compositeur réutilise un thème de sa cantate Herminie présentée lors du Concours de Rome, en 1828.

 

Un Bal est porté par les harpes et le cor anglais. La valse a remplacé le scherzo traditionnel et le retour inexorable du thème en brise l’élan.

 

Dans la Scène aux champs, le hautbois, les tubas, les cornets à piston et les cloches délectent l’auditeur d’effets sonores. Berlioz a retenu les principes d’écriture de la Symphonie Pastorale de Beethoven. Il déploie une audace qui défie les règles de l’harmonie. Dans la solitude de cet épisode, l’amoureux se réfugie dans la nature et écoute au loin deux bergers, l’un symbolisé par le chant du hautbois, l’autre par le cor anglais. Il doute de la sincérité de sa bien-aimée. L’orage se produit comme un écho à la Symphonie Pastorale. C’est certainement le mouvement qui a donné le plus de travail à Berlioz. Il l’a d’ailleurs considérablement révisé après la création de la Symphonie.

 

La Marche des gardes de son opéra Les Francs-Juges (1826) devient le matériau de La Marche au supplice. Après avoir rêvé qu’il a tué sa bien-aimée, il tente de se donner la mort en prenant de l’opium. Au cours de ses hallucinations, il assiste à son jugement, puis à son exécution. L’idée fixe n’apparaît que de manière fugitive, interrompue par le coup sec du couperet de la guillotine.

 

Le Songe d’une Nuit du Sabbat nous convie à une orgie diabolique dans laquelle des sorcières et des monstres dansent sur les rythmes d’un Dies Irae. “L’idée fixe” réapparaît de manière parodique et grotesque par le truchement de la clarinette et, le rire de Satan, par les cuivres graves. La bien-aimée, qui se révèle bien frivole, prend part à cette orgie satanique.

 

A lire

« Les soirées de l’orchestre » par Hector Berlioz (éditions Stock Plus musique, 1980).